MORT D’AMéLIE CHAMPAGNE : LA CORONER DEMANDE DE TRANSFORMER LES PRATIQUES EN SANTé MENTALE

La coroner Julie-Kim Godin a déposé mercredi son rapport d’enquête sur le suicide d’Amélie Champagne, survenu le 11 septembre 2022. Au fil de 19 recommandations, Me Godin vise à prévenir les décès similaires en proposant « une transformation des pratiques en psychiatrie et en santé mentale. » 

Rappelons qu’Amélie Champagne s’est suicidée à l’âge de 22 ans après sa sortie de l'Hôtel-Dieu de Sherbrooke. Elle y avait été conduite à la suite d’une première tentative de suicide survenue au chalet de sa famille en Estrie. 

Elle a passé deux nuits à l’Hôtel-Dieu, où elle a rapporté avoir eu énormément de difficulté à dormir en raison, entre autres, du bruit constant et des comportements des autres patients qui l’entouraient , mentionne la coroner dans son rapport. 

La jeune femme a rapporté avoir eu l’impression que son sommeil et sa santé mentale empiraient en étant à l’hôpital. Elle a appelé ses parents pour les supplier de venir la chercher.Un psychiatre a statué que les critères pour demander une garde préventive ou en établissement n’étaient pas remplis [...] et l’a donc autorisée à quitter [l'hôpital].

Les parents d'Amélie Champagne sont venus la chercher à l'hôpital le 9 septembre 2022. Même s'ils ont insisté pour parler au psychiatre de leur fille ou à un supérieur, aucun médecin ou membre du personnel n’est venu leur parler à leur départ ni leur offrir un suivi, du soutien ou des conseils. Aucun organisme communautaire en prévention du suicide ou en situation de crise n’a été impliqué. Aucun filet de sécurité ne leur a été proposé ou mis en place , rapporte la coroner. 

Elle recommande ainsi de déployer de nouvelles mesures afin de s’assurer qu’un congé sécuritaire soit mis en place par leurs médecins et leurs résidents pour tous les usagers vulnérables au suicide .

Me Godin soulève aussi une situation préoccupante à l’urgence psychiatrique de l’Hôtel-Dieu de Sherbrooke, et plus particulièrement dans l’une des salles où Mme Champagne a séjourné, où beaucoup trop de patients vulnérables et en crise sont entassés beaucoup trop longtemps.

Elle recommande donc au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Estrie - CHUS, ainsi qu’au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, de créer dans la prochaine année un document lié à l’amélioration de l’aménagement de leurs urgences psychiatriques afin de les rendre plus accueillantes et adaptées aux besoins des usagers.

Le rapport indique toutefois que ces établissements de santé ont déjà entrepris certaines démarches allant dans ce sens. Le CIUSSS de l’Estrie - CHUS a entre autres terminé d’écrire une procédure en prévention du suicide pour les usagers vulnérables et doit réaménager son urgence.

Besoin d’aide?

Si vous pensez au suicide ou si vous vous inquiétez pour un proche, des intervenants sont disponibles pour vous aider partout au Québec 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

  • Téléphone : 1 866 APPELLE (277-3553)
  • Texto : 1 855 957 5353
  • Clavardage, informations et outils : www.suicide.ca

Errance médicale 

Me Julie-Kim Godin mentionne par ailleurs que la mort d’Amélie Champagne a été précédée par des années d’errance médicale. La jeune femme a consulté de nombreux professionnels de la santé et a demandé de l’aide à de nombreuses reprises pour tenter de comprendre des malaises physiques et psychologiques, qu’elle associait à la maladie de Lyme. 

Dans son rapport, la coroner précise que son enquête n’avait pas pour but de déterminer si Mme Champagne avait la maladie de Lyme

Ce qui importe de retenir est plutôt que, sur la base de l’information consultée et reçue, Mme Champagne avait l’intime conviction qu’elle était atteinte de symptômes persistants de la maladie de Lyme [...]. Son parcours médical et ses symptômes ont affecté son bien-être émotionnel et sa santé mentale , souligne-t-elle.

Amélie Champagne a notamment été dirigée vers un spécialiste en microbiologie et infectiologie du réseau public de la santé, mais n’a jamais réussi à obtenir de rendez-vous en raison des délais d’attente. Elle a fini par consulter au privé.

La coroner recommande ainsi de développer des trajectoires de soins performantes afin de permettre aux usagers ayant un diagnostic soupçonné ou avéré de maladie de Lyme [...] d’avoir accès en temps opportun à une prise en charge diagnostique et thérapeutique.  

Me Godin fait également remarquer que parmi les symptômes d’Amélie Champagne se cachait probablement un tableau anxieux et une souffrance émotionnelle. Cette souffrance a toutefois parfois été écartée par certains des professionnels qu’elle a consultés.

On se concentrait beaucoup sur ses symptômes physiques. Ça donne l’impression que parfois même, on se concentrait uniquement sur ses problèmes physiques et on espérait qu’en trouvant un traitement à ses problèmes physiques, on allait faire disparaître ses symptômes psychologiques. Par conséquent, on a laissé évoluer dans l’ombre ces symptômes psychologiques, a souligné la coroner en entrevue au Téléjournal Estrie

Elle a donc émis des recommandations liées à la santé mentale, dont celle de déployer de nouvelles actions adaptées aux jeunes filles, aux adolescentes et aux jeunes femmes afin de soulager leur détresse et prévenir les idées et comportements suicidaires et de sensibiliser et former davantage [les professionnels de la santé] aux enjeux psychologiques rencontrés par les patients ayant un diagnostic soupçonné ou avéré de diagnostic de maladie de Lyme

Le gouvernement assure être en action pour prévenir d’autres drames 

Invité à réagir au dépôt du rapport de Me Julie-Kim Godin, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a dit avoir une pensée pour la famille. 

Il assure qu’il lira attentivement les conclusions de la coroner.

Je vais prendre le temps de bien analyser le rapport, mais clairement, comme les parents l’avaient dit lors de la commission, ils sont impressionnés par notre Plan d’action interministériel en santé mentale.

En janvier 2022, le caquiste a présenté un programme de plus d’un milliard de dollars sur cinq ans afin de réduire les listes d'attente pour les Québécois vivant des situations de crise ou devant conjuguer avec des troubles psychologiques. Ce dernier comprend 43 actions à mettre en place d’ici 2026.

Lionel Carmant soutient par ailleurs que son gouvernement se retrousse déjà les manches pour prévenir d’autres drames. Quand je regarde rapidement les recommandations, je pense qu’on est en action sur chacune d’entre elles, surtout avec les mesures de prévention à l’hospitalisation qui inclut un suivi personnalisé pour tous ceux qui se présentent à l’urgence et qui sont hospitalisés en santé mentale.

Le ministre souligne qu’il propose un virage complet dans les services en santé mentale en misant sur les services en communauté et en accompagnant les patients au départ de l’hôpital. Ça aurait peut-être fait une différence pour la vie d’Amélie si on avait eu ce plan-là en place , suppose-t-il.

Ce plan, qui doit être déployé dans l’ensemble du Québec, est en branle dans 14 établissements hospitaliers à l’heure actuelle.

2024-09-18T23:22:12Z dg43tfdfdgfd